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     Vik Muniz connaît un parcours surprenant, qui a beaucoup influencé sa manière de voir les choses et sa façon de produire de l’Art. Il commence en tant que publicitaire brésilien pour devenir un célèbre artiste new-yorkais mondialement reconnu.

 

     En effet, le parcours de Vik Muniz peut être qualifié d’atypique mais ce sont ses origines qui conditionnent aujourd’hui, encore, son rapport à l’Art en tant que créateur. Vincente José de Oliveira Muniz nait le 20 décembre 1961 dans la ville qu’on surnomme « la jungle de béton », São Paulo au Brésil. Sa famille fait partie de la classe populaire. Alors qu’il n’est qu’un jeune enfant, son père décide de déménager dans une petite maison à la lisière de ce géant métropolitain. Il raconte qu’il était fasciné par le dualisme du paysage : d’un côté cette « jungle de béton » et de l’autre la nature sauvage de la montagne Mantiqueira. Une confrontation entre Nature et Industrie qu’on peut retrouver dans son œuvre.

Des débuts en tant que jeune designer jusqu’à la prise de conscience artistique, les origines d’un processus de création

Venant d’une famille modeste, il ne va pas à l’école dès son plus jeune âge, mais il reste à la maison avec sa grand-mère, autodidacte, qui lui apprend la lecture. Il raconte qu’elle posait son index sur les lignes d’un des seuls livres qu’ils possédaient afin qu’il sente chacune des lettres de chacun des mots. Il les ressentait par le toucher. Première approche des sens… Et d’un monde de savoirs, dont il prend conscience, qu’il est en train de « toucher du doigt ». Ce rapport si particulier à la lecture et à la connaissance se retrouve notamment dans sa réinterprétation de l'Encyclopedia Britannica. Il concentre dans un seul ouvrage tous les volumes de la célèbre encyclopédie. Structure impressionnante de plus d’un mètre, elle montre aussi une certaine limite au savoir par l’écriture puisqu’elle se résume finalement à un seul objet.

Ainsi, une fois à l’école, il perd tout repère, ne pouvant ressentir la même police et les mêmes sensations au toucher. Pour compenser ses lacunes, alors que les autres prennent des notes, lui dessine. Le dessin devient son langage. Il dit d’ailleurs : « Je ne sais pas à quel moment je suis devenu un artiste, mais je sais quand les autres ont cessé de l’être… » … Sa réponse: lorsque l’utilisation du dessin n’est plus tolérée à l’école, et qu’elle doit impérativement être remplacée par l’écriture conventionnelle. Substitution qui se fait au détriment de la créativité. Vik Muniz devient ainsi, selon ses dires, le « gamin » étrange au fond de la classe qui passe son temps à dessiner. Le directeur de son école prend l’initiative de l’inscrire à un concours de dessin. Le vainqueur intègre une école d’Art. Le jeune Vik Muniz remporte ce concours et découvre, un peu plus, cet univers qui l’émerveille : travailler signifie dessiner toute la journée…

 

            Suite à ses études, il devient un designer « utile », en tant que publicitaire qui crée pour le fonctionnalisme. Vik Muniz dénigre l’Art d’une certaine manière. Il en a une vision assez péjorative. Pour une simple raison, de ce qu’il en connaît, il est trop éloigné de la réalité. Il est synonyme de malheur et, de toute façon, n’intéresse que les personnes fortunées, comme lui fera remarquer une de ses petites amies. L’Art est destiné à des personnes auxquels, lui, ne ressemble pas et est réalisé par des individus tourmentés « qui ont une oreille en moins ». Cette fascination pour l’artiste néerlandais, Van Gogh, Vik Muniz l’exprime des années plus tard avec une réinterprétation de l'œuvre Le Semeur, parmi tant d’autres.

Malgré tout, il continue à développer sa passion pour le dessin. Il est, pour lui, une représentation visuelle. Cette représentation de sa réalité, de sa vérité qu’il ne retrouve pas chez les autres artistes. Ainsi, il atterrit dans le monde de la publicité. Il obtient son premier emploi partant d’une simple constatation de la vie quotidienne. Alors qu’il conduit dans São Paulo, il se rend compte qu’il est impossible de lire ce qui est inscrit sur les panneaux d’affichages publicitaires. Au début, il pense en être incapable à cause de ses lacunes en lecture. Mais personne ne peut les déchiffrer. Il prend alors l’initiative à travers des calculs basés sur la vitesse des voitures, la taille du panneau et la taille de la police de déterminer le panneau qui correspond aux exigences de la publicité et qui se résume aisément par « être vu ».

Ainsi, Vik Muniz commence sa carrière en faisant du design, dans la conception de Cole, c’est-à-dire, de l’Art appliqué à l’industrie. Jugé « pernicieux » par Papanek puisque l’artiste, ou le designer, est complice de la société de consommation. Pourtant c’est ainsi que Vik Muniz crée ses premières œuvres grâce à un processus de création dicté par la société de consommation. Une fois son panneau publicitaire dessiné, il se rend dans une des deux seules agences de publicité de l’Etat et il convainc l’une d’elles de l’embaucher, auquel cas il irait vendre son travail à la concurrence. Cela fonctionne.

Il est embauché et reçoit même un prix pour son innovation. Le soir où il doit recevoir sa récompense, alors qu’il se sent mal à l’aise dans cette réception guindée, il sort prendre l’air. Soudain, il aperçoit deux hommes en train de se battre, il s’interpose et se fait violemment agresser par l’un d’eux. Il est amené à l’hôpital. L’homme est riche et veut préserver sa réputation. Il lui propose de l’argent, pour que Vik Muniz ne porte pas plainte. Le lendemain avec cet argent, il s’envole pour Chicago. Le Brésil qui l’a vu naître, et balbutier en tant qu’artiste ne le verra pas en devenir un à part entière, ou du moins pas encore.

 

            Finalement il arrive aux Etats-Unis, pays de la liberté, où il va pouvoir s’épanouir jusqu’à devenir un créateur branché et « bankable », dont le processus de création est dicté par un marché. La première chose qui le frappe, lorsqu’il foule le sol américain, c’est la différence d’avec la dictature brésilienne. Ici, chacun est libre de faire ce qu’il veut, de dire ce qu’il pense, et particulièrement les artistes. Alors que dans son pays, les chanteurs devaient farder leurs partis pris politiques en chansons à l’eau de rose. Il dit, d’ailleurs à propos des artistes brésiliens de cette époque, « les artistes qui m’ont précédé étaient moins passifs, ils voulaient du changement et luttaient via une milice armée contre la dictature. Moi, je ne supportais pas la propagande outrancière et pamphlétaire. A la fin des années 1970, on était soit communiste soit nationaliste, il n’y avait pas d’entre-deux possible. Il fallait être riche ou pauvre, choisir son camp. Je détestais ce manichéisme. Les choses ne sont jamais toutes noires ou toutes blanches !»

Il découvre la liberté d’expression mais aussi une vie culturelle foisonnante, dont il s’inspire volontiers. C’est pour cette raison qu’il s’installe, par la suite, à New York. Ainsi, l’idée de représentation prend, pour lui, un sens nouveau avec les pièces de théâtre new yorkaises. Le pays de la liberté et du capitalisme devient le berceau de son art, un paradoxe qui le caractérise. Toutes ces expressions artistiques lui font ressentir « the pulse of <his> own generation » ; et la meilleure façon de la représenter est, selon lui, l’art contemporain. Il tâtonne vers son processus de création par les inspirations artistiques, par la rencontre avec sa génération d’artistes.

 

Suite à la page "Un processus de création complexe"

Photographie WWW – World Map par Vik Muniz (2008)

Big Book par Vik Muniz

Le Semeur d'après Van Gogh par Vik Muniz

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