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     En 2015, une petite révolution a eu lieu. Silencieuse mais pourtant si perceptible. Alors que certains restaient trop occupés à vaquer à leur labeur estudiantin (ou pas, d’ailleurs), d’autres ont peut-être vu passer, dans le fil d’actualité de leur réseau social de prédilection, des classements qui ont changé leur vie ou celle de leurs amis.  Com’On reste à ce jour tout particulièrement meurtrie par ce phénomène. L’Université du Michigan, aux Etats-Unis, précision qui semble nécessaire pour la plupart des « articles » en ligne qui ont repris ce sujet, est à l’origine d’une étude menée auprès de plusieurs centaines de femmes. Ces dernières ont répondu à une simple question, pourtant si lourde de conséquences pour certains,: « Quel est le prénom du pire coup de votre vie ? ». Alors qu’on pourrait penser que le prénom que nos chers parents nous donnent à la naissance ne détermine pas notre vie future, et certainement pas notre vie sexuelle, la présence dans le classement d’un prénom familier à Com’On nous a poussé à nous interroger. Le prénom qui nous est attribué, de manière arbitraire, aurait-il une incidence sur notre existence sentimentale, professionnelle, sexuelle, …

 

La déferlante des tops des prénoms a en effet envahi les réseaux sociaux dernièrement. Des articles aussi succincts que vagues proposent de savoir quels prénoms ont le plus grand leadership, quels prénoms sont les plus fous, etc. En voici une compilation :

 

Top des plus mauvais coups

© walaye.com

 

Classement des prénoms qui ont le « plus de chance de gouverner le monde »

© topito.com

 

 

A noter qu’on peut être un très mauvais coup et potentiellement diriger le monde.

 

Classement des prénoms qui ont le QI le plus élevé :

© topito.com

 

Bizarrement, on note la récurrence de certains prénoms…

 

 

     Cependant, il est permis de douter du sérieux de ces classements. Rien que la consonance française des prénoms pours des études américaines devrait être révélatrice. Pourtant il existe bien un déterminisme social lié aux prénoms.

 

 

     Même si Bourdieu ne l’évoque pas dans La Distinction, il a été prouvé que le choix que font les parents à la naissance de leur enfant aura des conséquences sociales et professionnelles.

 

Au XIX° siècle et au XX° siècle Le Figaro, ancêtre de topito.com, publiait chaque année le « Cartel des prénoms ». Les prénoms figurant dans cette liste étaient supposés être les choix les plus distingués et raffinés. La bourgeoisie était tout particulièrement influencée par ces tendances. Ainsi, le bottin mondain connaissait des déferlantes de prénoms, soi-disant synonymes de bon goût. Effet de mode oblige, ces derniers finissaient par disparaître au profit des classes plus populaires, la classe paysanne qui choisissait ces mêmes prénoms avec un décalage temporel de 20 à 30 ans, et un décalage social évident. C’est ce qu’explique le sociologue Baptiste Coulmont dans Sociologie des prénoms. Il détaille également le changement de tendance après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Les classes populaires ont connu une émancipation certaine et notamment culturelle, ce qui leur a permis de se détacher des codes imposés autrefois par la bourgeoisie, comme le choix des prénoms.

 

Ces mêmes classes populaires ont donc commencé à choisir le prénom de leurs enfants en fonction de ce qu’elles connaissaient et plus particulièrement de ce qu’elles regardaient. Les séries télévisées américaines des années 80-90 ont permis l’émergence d’un prénom à la connotation plus que péjorative aujourd’hui, Kevin. En plus d’être considéré comme le plus grand beauf du XXI° siècle, Kevin subit aussi des discriminations dans les milieux scolaires et professionnels. Ainsi, à copie égale, en classe de CM2, Kevin obtiendra deux points de moins que Pierre. Son CV sera 10 à 30% moins retenu que celui d’Arthur.

 

Ce prénom reste l’exemple extrême, toutefois, il est impossible de nier que notre prénom et l’imaginaire auquel il renvoie influencera les gens dans leur attitude envers nous. Il existe bien un déterminisme lié au prénom car le choix du prénom est influencé par un milieu social particulier. Il n’est alors que le témoin d’un déterminisme social, plus que jamais présent.

 

Article: Nina Raynaud

 

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